samedi 31 janvier 2015

J' ♡ la pauvreté !

Oui, j'aime, j'adore, j'exalte, je kiffe la pauvreté ! Depuis que je suis « tombée dedans », comme Obélix dans le chaudron de potion magique, je découvre tous les jours un monde fantastique : il y a l'art de préparer des dossiers sans fin, de se fighter avec son assistante sociale, de trouver des plans pour ne pas dépenser, d'accommoder les pâtes du jour ou d'apprendre à jeûner, de répondre au flot des lettres recommandées, aux huissiers… et bien d'autres merveilles encore.

Sérieux ! C'est trop classe ! J'en suis à me demander pourquoi je ne le suis pas devenue plus tôt. C'est vrai ! Si à la question : « Qu'est-ce que tu veux faire plus tard ? », j'avais répondu « être pauvre », ça aurait eu du style, non ?

Vous ne voulez pas essayer ? Ah non ? Ce n'est pas votre truc ? … Allez, vous voulez la « vérité vraie » ? Eh bien, moi non plus !

Cet article sarcastique, je l'adresse à toutes les personnes qui, volontairement ou involontairement, après mûre réflexion ou tout de go, sortent des remarques qui jugent, déprécient ou puisent dans la très très très longue liste des idées reçues sur les plus démunis.

Je vous pose la question : qui sur cette planète souhaite connaître la pauvreté et son train d'embrouilles (pour être polie) ?

Il est profondément révoltant de s'entendre dire, clairement ou à mots couverts, que quelque part si on en est arrivé là, c'est qu'on l'a peut-être un peu cherché ! Par pitié, amis ou inconnus, ne restez pas en surface de vos ressentis ou des poncifs enracinés. Écoutez, regardez, questionnez, intéressez vous à la personne qui glisse vers la pauvreté (et il y a mille et une manière d'y tomber), mais ne la jugez pas !

Il y a les mots qui guérissent et les mots qui tuent. Soyez compatissants envers les pauvres, ne les stigmatisez pas aveuglément.

mercredi 7 janvier 2015

Se nourrir est-il un droit ?

Décembre étant consacré à la préparation des fêtes de fin d’année, à l’organisation des départs pour retrouver famille et/ou amis, ou à assurer, pour d’autres, le bouclage des bilans d’entreprise, il est généralement peu évident de décrocher un rendez-vous ce mois-là.

Arrivant au terme de l’aide alimentaire qui m’a été accordée, j’ai tenté durant notre fameux mois festif de joindre l’Action sociale, afin d’obtenir le renouvèlement de cet important sésame… Échec total ! J’appelle donc ce début janvier, avec encore bien des difficultés à joindre ma nouvelle assistante sociale. Mais la persévérance finissant toujours par payer (si je puis dire)…

— Cela fait un moment qu’on ne s’est pas vu. Comment allez-vous ? Des changements ?

Je raconte les dernières nouvelles du front : mon gros coup de lassitude, la réception d’une lettre du préfet de police, le nouvel appel très froid de ma propriétaire… Bref, que des choses palpitantes ! Puis je lui demande un rendez-vous.

— Ça va être très dur ce mois-ci ! Je suis en formation. Je ne peux rien vous proposer avant… (elle cherche) le 30 janvier !

— Et pour le renouvèlement de l’aide alimentaire ? Comment fait-on ?

— Ah oui… Ça va être difficile… (puis un grand blanc.)

Je lâche :

— Avec la précédente assistante sociale, on passait par le secrétariat pour (elle) déposer les documents et (moi) les signer. On peut (re)faire ça… non ?

— C’est-à-dire qu’il me faut vous rencontrer avant ! Je vais voir si je peux vous recevoir plus tôt. Je vous tiens au courant. En attendant, on garde la date du 30 janvier.

En raccrochant le téléphone, j’ai vu s’envoler mes paquets de pâtes, de riz, mes raviolis et mon pain premier prix pour le mois !

Savez-vous que l’alimentation est un droit humain fondamental ? Il est inscrit pour la première fois en 1948, à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Puis dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pidesc) en 1966, et réaffirmé dans le Plan d’action du sommet mondial de l’alimentation en 1996. Plusieurs autres documents, dont les rapports Ziegler, présentés au Conseil et à la Commission des droits de l’homme de l’Onu (2001 et 2008), rappellent que « le droit à l’alimentation » est « le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne. »

J’aurai beau expliquer cela à l’Action sociale autant de fois que je le veux, je me heurterai à la gestion du planning et à la disponibilité du personnel. C'est déprimant.

Aujourd’hui, toujours sans un sou, je vais donc partir en quête d’un Resto du cœur, afin de tenir… jusqu’au 30 janvier.

dimanche 4 janvier 2015

3 SDF morts de froid sur 425 en 2014 !

D'accord, le sujet est moins fun que les 32es de finale de la Coupe de France de football ou ce que nous réserve les astres pour 2015, mais je ne peux m'empêcher de partager l'article du Collectif Les morts de la rue, publié le 30 décembre 2014.

Je reprendrai la célèbre phrase de Francis Bacon qui dit : « Le savoir est un pouvoir ». Car le savoir, la connaissance, nous fait repousser les apparences et éclaire les esprits !

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Un "SDF" mort à Douai, un autre à Paris … d’après les médias c’est une hécatombe ! Il y a 3 jours d’autres mourraient sans que l’on en parle !

Depuis le début de l’année 2014, Le Collectif Les Morts de la Rue a recueilli des informations concernant des personnes décédées. Nous ne pouvons encore affirmer de chiffres précis, mais le nombre de décès appris en 2014 dépasse actuellement 425 et nous continuons à en apprendre au jour le jour. (la réalité est probablement de 7 fois plus)
Parmi ces personnes, nous déplorons 3 morts de froid, 15 suicides, la première cause de décès est bien la violence. Souvent accidentelle, parfois au cours d’agressions… 3 morts de froid sur 425 !
Jour après jour, toute l’année, nous apprenons des décès. Ces trois personnes décédées récemment avaient des prénoms, des amis, comme les 425 autres. L’un d’entre eux était en fauteuil roulant à la rue et recherchait en vain un lieu d’hébergement. Nous partageons la peine de leurs proches, le scandale de leur mort.

Mais pourquoi ce branlebas général des médias autour de ces décès par le froid et non toute l’année ?

• La mort de froid d’une personne « SDF » faisant l’évènement, attendu et guetté par les médias. Il arrive tard cette année. Il a failli ne pas exister en 2014… On ne pose pas la question des autres centaines de personnes mortes cette année à 49 ans en moyenne. Ni du fait que c’est vivre à la rue qui est un scandale qui n’a rien de saisonnier, ni par le chaud ni par le froid. Et vivre à la rue tue toute l’année.

• On entendra également : il y avait des places, il ne voulait pas y aller. Et du coup, sous-entendu : notre société fait tout ce qu’il faut, ce sont ces pauvres gens qui meurent par leur faute. On ne pose pas la question du manque criant de places qui a été dénoncé à plusieurs reprises cette année : le 115 a du mal à répondre au téléphone, et encore plus de mal à répondre à la demande d’hébergement. Il n’est pas relevé que les personnes en situation de rue sont découragées de ces demandes au quotidien sans réponses…

• Et après les fausses bonnes propositions : faut-il emmener de force ces pauvres gens vers des centres d’hébergement, pour les sauver d’eux-mêmes ? durant ces périodes de grand froid… et les remettre dehors dès que la température remonte de quelques degrés.

Ce n’est pas le climat qui tue. Ni l’été, ni l’hiver, ni le chaud, ni le froid. C’est vivre à la rue qui tue. Le nombre de personnes à la rue augmente. Les enquêtes démontrent le manque d’hébergement et de logement. Quand à la motivation des personnes, le rapport de la Fondation Abbé Pierre montre que même en travaillant des personnes se retrouvent à la rue.

Si le froid vous intéresse ainsi, réveille votre sensibilité, vous apitoie, alors sachez que votre soutien est nécessaire toute l’année et non quand la température est négative.
Et que le fait qu’il gèle fin décembre n’est en rien un évènement. C’est bien naturel sous nos climats.

Le collectif continuera de dénoncer la mort prématurée des personnes à la rue et demande à nos responsables d’assumer leurs responsabilités dans ce drame.

samedi 3 janvier 2015

« Vous voulez dire… »

Qui dans sa vie n'a pas constitué un dossier administratif et ne s'est pas entendu dire, par un ou une employé(e) plus ou moins sympathique, au moment du dépôt de celui-ci : « Il manque le papier untel ! » ?

Devant préparer en urgence une demande de RSA et ne souhaitant pas me coltiner un énième passage à la CAF, je décide ce jour-là d'être plus maligne que la bureaucratie. Consultation du site du Service public, coup de téléphone à un agent de la CAF, vérification auprès d'un ami ayant déjà passé l'épreuve de cette formalité… Grandes manœuvres pour petite guerre ? C'est vrai. Mais là au moins, je suis certaine d'avoir tous les éléments nécessaires en ma possession. Sourire jusqu'aux oreilles, je me rends d'un pas léger à la CAF, prête à en découdre avec la malédiction du papier défaillant.

C'est hélas bien mal connaître les ressources de l'administration française !

Près de 45 minutes d'attente, debout et dans la chaleur. Je suis venue à la mauvaise heure ; la file est interminable. En serpentant à petits pas dans le couloir délimité par des cordons noirs, je me console du temps perdu en me disant que l'affaire sera rapidement pliée. Deux femmes sont au guichet ; l'une est grande et à l'air plutôt avenante, l'autre est petite et le visage renfrogné. Allez, j'y crois, c'est mon jour de chance : je passerai à l'employée à l'allure sympa !

— Suivant, claironne une voix.

C'est mon tour. J'avance… et me retrouve nez à nez avec la petite renfrognée. Ne commence pas à juger pas ma fille, me dis-je, sous ses airs revêches, cette femme cache peut-être un cœur d'or ! Je lance souriante :

— Je viens remplir un dossier pour obtenir le RSA. J'ai tout les papiers nécessaires avec moi...

Lèvres pincées et petit ton sec, mon interlocutrice répond :

— Nous n'avons pas de dossier RSA !

— Vous n'avez plus de dossier RSA ?

— Nous n'avons PAS de dossier RSA !

— Je ne comprends pas… Mon assistante sociale m'a dit de passer à la CAF pour ça ?!

— Nous n'avons pas de dossier RSA, répète mécaniquement ma renfrognée, à qui je retire d'autorité le cœur d'or, tant son capital sympathie m'apparaît soudainement bien minable.

Elle se met à agrafer une série de papiers, pendant que je m'époumone en explications. Je ne me vois guère faire demi-tour bredouille.

— J'ai téléphoné pas plus tard qu'hier à vos services. Ils m'ont donné les heures d'ouverture et la liste des documents utiles pour préparer un dossier… !

À ce moment précis, la petite bonne femme plante ses yeux dans les miens et me sort :

— Vous voulez dire… un formulaire !

Surprise, je répète bêtement :

— Un formulaire ?

— Oui, nous avons un formulaire RSA, pas de dossier RSA.

Et elle dépose ledit document sur le guichet face à moi qui, brusquement, sent monter un coup de sang très inhabituel. « Qu'il s'appelle "formulaire" ou "dossier", il y a bien un document à retirer à la CAF pour le RSA… Et l'on doit employer le bon terme pour l'obtenir ?… C'est ça ? »  Et blablabla… et blablabla… Cette employée visiblement aigrie, exerçant son petit pouvoir d'une manière mesquine, me donne une irrésistible envie de pester, alors que je déteste me donner en spectacle ! M'interdisant en plus de remplir mon « formulaire » au bout du guichet vide, alors qu'il n'y a aucune table de prévue dans la salle, je commence à voir rouge, et en vient presqu'à comprendre les gens qui sautent par-dessus un guichet pour expliquer aux fonctionnaires leur manière de voir les choses.

Calmement, un agent de la sécurité m'indique un bureau vide :

— Là vous serez bien madame !

Ayant tous les éléments, je remplis comme prévu rapidement le document et vais le redéposer au guichet avec, cette fois, le sourire à l'envers. C'est l'employée plus aimable qui m'accueille.

— Voilà le « F-O-R-M-U-L-A-I-R-E », lui dis-je.

Elle vérifie page après page si tout y est. Et à la dernière page (c'est absolument authentique), la dame me dit :

— Vous avez le document untel ? Sans cela, on ne peux pas traiter
votre « dossier » !