mardi 30 décembre 2014

De retour

Il est parfois difficile de se relever d’une chute…

Le 31 octobre, à 21h01, lorsque j’ai eu la certitude d’être protégée par la trêve hivernale, une joie immense m'a saisie ! J’ai eu, ce soir-là, la folle envie de faire savoir à qui voulait l’entendre qu'après un an de lutte (dont les deux derniers mois à me dire que chaque lendemain finirait par me faire goûter à l'amertume de l'asphalte), j’étais encore debout ! Hourra ! Alléluia !

Bonheur de courte durée : le retour de manivelle a été rude…

Comme le marathonien qui franchit la ligne d’arrivée épuisé, les jambes coupées, je me suis écroulée, à bout de souffle. Concentrée sur mes dossiers, mes efforts et mes bagarres administratives pour m’en sortir, je ne me suis pas rendu compte à quel point la violence de la situation m’avait atteinte. Lasse, usée, lessivée, cassée… j’ai vidé toutes les larmes de mon corps aux premières heures de la trêve. Puis, plus rien : plus d’énergie, plus d’envie de me battre, de faire bouger les lignes ou d’arranger ma situation.

Je n’ai plus ressenti qu'un furieux besoin de m’isoler, de poser mes bagages et de soigner les coups reçus.

Le manque d’argent ne me fait pas peur ; issue d’une famille d’ouvriers - qui a toujours compté le moindre centime et connu maintes fois la sécheresse financière des fins de mois - j’ai appris à trouver les moyens d’affronter l'obstacle des insuffisances du porte-monnaie. Certes, aujourd’hui, je ne me nourris pas, ne m’habille pas, n’accède pas aux loisirs comme je le souhaiterai. Mais avec quelques euros et un sens de la débrouille, la survie est possible. J’ai aussi hérité d’un tempérament enjoué, positif et combattif. La vie m'a réservé son lot de sales coups, mais j’ai toujours su et pu déployer mon énergie pour leur faire la fête.

Pourtant, cette fois, tout est très différent…

Comment faire comprendre que tomber dans la pauvreté est une terrible violence ? Si elle est parfois bien visible, elle est le plus souvent invisible. Aucune personne me croisant dans la rue ne peut imaginer ma situation précaire. Le débat sur la pauvreté étant quasiment absent de notre société, la misère n’est pas vraiment perçue comme violente par l’ensemble des citoyens. Pour beaucoup, la pauvreté est un problème qui concerne uniquement ceux qui en sont victimes. Et, il n’y a qu’un pas à franchir pour laisser entendre que lesdites victimes l’ont peut-être un peu cherché ! « Pourquoi t’es-tu laissé embarquer là dedans », « Bon, maintenant faut que tu trouves une solution pour ne plus vivre comme ça », « Penses-tu sortir de ton bourbier ? » Des réactions sans doute basiquement humaines, mais bien difficiles à entendre quand elles viennent de certains de ses amis. Elles me donnent même envie de hurler !


Une chanson m’est venue il y a quelques jours en tête : « Si, maman, si… Si, maman, si… Maman si tu voyais ma vie » … Ô ma bien chère maman, toi qui as quitté tout récemment cette Terre, sans connaître la galère dans laquelle je rame, t’est-il seulement possible de voir aujourd’hui où j’en suis ? « Je pleure, comme je ris… Si, maman, si… ». Comprends-tu ma fatigue à combattre ? Et ma tristesse à deviner que l’on peut lier ma situation à une punition, à quelque chose de voulu, voire de mérité ? « Mais mon avenir reste gris… Et mon cœur aussi » Oui, effectivement mon avenir est encore incertain. Mais toi seule sais que même si je plie sous le poids des difficultés et de l’usure, je retrouverai la force de sortir dignement de ce piège antisocial. Mon cœur gris, hier, fait place aux nouvelles couleurs de l'espérance et de l'abandon.