vendredi 24 octobre 2014

Rien ne change…

Voici un extrait de l'article de mes confères du Figaro, publié le 31 octobre 2012. Lisez, c'est
édifiant !


Selon le service de police chargé des expulsions dans mon secteur d'habitation (que j'ai rencontré il n'y a pas longtemps), absolument rien n'a changé en 2013… Et la même et lamentable procédure se répètera à l'évidence dans les prochains jours, pour un bon nombre de personnes sous le coup d'un commandement de quitter les lieux.


Pour rappel, notre belle Constitution dit ceci : « La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" (art. 10), "droit à la sécurité matérielle" (art. 11). »
On en est bien loin, non ?


Figaro, du 31 octobre 2012

En 2011, 113.669 décisions judiciaires d'expulsion ont été rendues (+4% sur un an et +40% en 10 ans), et 12.760 expulsions ont eu lieu avec le concours de la force publique (+9% sur un an, un doublement en dix ans), selon les ministères de la Justice et de l'Intérieur. "Mais on estime à 50.000 le nombre de familles expulsées, car beaucoup partent sous la pression des huissiers ou de gros bras, ou quittent leur logement en catimini, par honte", précise Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

 Il dénonce comme chaque année une accentuation des expulsions en octobre, juste avant la trêve. Ce que dément Patrick Safar, trésorier de la Chambre nationale des huissiers de justice. "On intervient quand on a le concours de la force publique, mais souvent la préfecture ne nous l'accorde qu'en dernière minute", dit-il. Il précise que 90% des procédures "se résolvent par un départ volontaire. A partir du moment où il y a une décision de justice, il faut l'appliquer. Mais on essaie que la décision soit la moins douloureuse possible", ajoute-t-il.

Baromètre Ipsos-Secours populaire sur la perception de l...

vendredi 17 octobre 2014

Tic-tac… tic-tac…

On a beau avoir été un locataire modèle, avoir payé son loyer sans accro pendant 18 longues années, et se faire jeter dehors au premier incident financier venu. « Je me suis montrée très patiente ! », a pesté ma propriétaire au téléphone. Son appel, le 18 juin, a été très clair : « Partez ! Partez donc ! », a-t-elle répété. Partir ? Ce n’est guère l’envie qui m’en manque, quand on ressent si peu de considération. Mais sans argent, aucune évasion n’est possible. Ce 18 juin, en clin d’œil au grand Charles, je décide donc de faire de la résistance.

Deux rejets de FSL (Fonds de solidarité pour le logement) plus tard, mon irréductible propriétaire - qui a décidé de refuser tout aide qui lui assurerait une partie du loyer - me lance un « commandement de quitter les lieux ». Ce document de trois pages, rédigé par un huissier, au langage glacial comme il se doit, me somme « de quitter et vider de tous biens et de toutes personnes les locaux » d’habitation dans un « délai de deux mois ».

Deux seuls petits mois après avoir été réglo durant 18 ans. Sympa ! Non, vraiment !… « Très important » signale l’huissier dans un des chapitres : « À défaut, je me verrai contraint de procéder à votre expulsion et à celle de tous les occupants de votre chef, si nécessaire avec l’assistance de la force publique, d’un serrurier et d’un déménageur ». Bref, une charmante déclaration d’amour à son prochain, qui déclenche le chrono dans un seul but : jeter à la rue l’épouvantable mauvais payeur que je suis devenue.

Tic-tac… tic-tac… « Vous n’avez toujours pas de revenus. Ça va être difficile de vous reloger », me dit le service social. Derrière le mot « difficile », comprenez « mission impossible ».

Tic-tac… tic-tac… Reprise du footing social : Pôle emploi, CAF, Défenseur des droits, médiateur juridique, associations d’aide aux plus démunis… Réponses pêle-mêle (vous êtes joueurs ? Tentez de relier les bonnes réponses et aux organismes) : « On va essayer de débloquer votre subvention » « Vous êtes trop vieille pour trouver quelque chose. Enfin, vous voyez ce que je veux dire… », « Nous avons étudié vos droits. Ils changent. Vous nous devez la somme de… », « Madame, votre dossier est complexe » ou encore « Laissez un message, votre interlocuteur vous rappellera… »

Tic-tac… tic-tac… Pas de traces du Dalo envoyé par La Poste depuis mon lieu de travail lorsque j’étais en province. Réponse mécanique de la standardiste : « Renvoyez-le ou repassez à la Préfecture ». Clap ! Dalo à l’eau, deuxième !

Tic-tac… tic-tac… « Faites d’urgence un dossier de surendettement ! » Ok, mais je ne risque pas de pénaliser mon entreprise ? « Absolument ! Ne faites pas cette bêtise », annoncent les uns. « Qui dit des âneries pareilles ? Votre société ne craint rien du tout. N’attendez pas ! », se révoltent les autres. Qui croire ? Une chance sur deux de me planter.

Tic-tac… tic-tac… Convocation au commissariat de police. Je suis reçue avec plus d’humanité que tous les services sociaux et administratifs réunis. La policière se désole de ma situation. « Ça devient dur, Madame. La misère est chaque jour plus visible sur le terrain. Le plus difficile est d’expulser une dame âgée, incapable de payer son loyer à cause de sa petite pension. » Comment en est-on arrivé-là ?

Tic-tac… tic-tac… « Désormais, votre dossier est chez le préfet de police. Il peut vous accorder la pause de la trêve hivernale. Mais certains expulsent les locataires jusqu’au dernier jour avant la trêve », explique ma nouvelle conseillère en économie sociale et familiale. « Vous avez une épée de Damoclès au-dessus de la tête ! », résume simplement l’huissier.

La rue, c’est pour demain ? 15 jours avant la trêve hivernale ; tout peut se passer. Faut tenir bon. Oui, tenir bon ! Ne pas craquer… Tic-tac… tic-tac… Tic-tac… tic-tac…