vendredi 12 juin 2015

« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »

Tel le personnage du recueil des Contes de ma mère l'Oye, j’ai longtemps guetté, non pas du haut de la tour d’un château, mais du fond de ma pauvre condition, l'arrivée salvatrice de solutions pour sortir de l'ornière. « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? », me répètent inlassablement amis et soutiens. Et de leur répondre à chaque fois : «Je ne vois rien d’autre que des jours gris et un horizon chargé de lourds nuages. »

Et pourtant ! Quelles que soient les embûches, il faut toujours croire à la lumière dans la nuit, à l’étoile amie qui vous sourit.

Mon étoile est venue presque de nulle part. Une personne que je connaissais à peine et qui m'a ouvert toutes grandes les portes de sa générosité.

À la veille de me retrouver à la rue, à la fin de la trêve hivernale, j'ai trouvé un toit, un abri, grâce à un cœur gros comme une maison ! Cet être qui rend des services comme il respire, m’a permis de redécouvrir la sérénité. Le panier de sa générosité déborde de richesses, et tout ça pour pas un rond. C’est admirable !

Oui, il existe des personnes dont l’altruisme force le respect, une humanité pleine de compassion.

Aujourd'hui, je suis fière de compter cette « étoile » parmi mes plus chers et tendres amis.

En écrivant ces lignes, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée toute particulière pour une de mes jeunes lectrices qui, je crois, se réjouira de cet article. Et j'en profite pour la remercier chaleureusement de son fidèle et réconfortant soutien.

Certes, je ne suis pas encore totalement sortie de la galère, mais ce rebondissement inespéré m’a fait franchir une étape importante, qui me conduira (je le sais) au bout du tunnel.

lundi 9 février 2015

L’Ubu touch de l’administration (1) : Pôle emploi, mon Pôle empoi

Notre système administratif est souvent d’une incohérence ubuesque, voire kafkaïenne, et porté par un flot d'employés (désolée pour les fonctionnaires sérieux et compétents… Oh my God, oui il en reste !) ayant oublié de prendre le train du XXIe siècle. Je vous propose un florilège à déguster sur plusieurs articles. À tout seigneur, tout honneur : commençons par le Pôle emploi, source inépuisable de « grand n'importe quoi » !

Au Pôle emploi, lorsque la file d’attente s’étire des guichets à la porte d’entrée, un agent du service slalome immanquablement au milieu des visiteurs pour les aiguiller… le plus vite possible vers la sortie. Désengorgement oblige ! Le bonjour généralement dans la poche, il accoste le chômeur avec son traditionnel rituel du bon accueil : « Vous venez pour quoi ? » En un instant, le sketch de Bigard vous traverse la tête et vous êtes à deux doigts de lui dire : « Ben mon gars, je m'ennuie. Alors, je viens prendre un petit café dans un lieu sympa et cosy ». Mais, disciplinée et bien polie, vous répondez :

— Je ne perçois pas l’ASS (Allocation de solidarité spécifique), alors qu’un courrier spécifie que j’y ai droit. J’ai écrit, téléphoné plusieurs fois : on m'explique (je cite) « qu'on ne voit rien dans mon dossier ». Je n’arrive pas à obtenir de rendez-vous par le 3949. Ici, un agent peut certainement débloquer mon affaire…
— Vous avez vos documents ?

Coup d’œil rapide et solution immédiate :
— Déposez tout ça dans la boîte aux lettres à l’entrée. On va s’en occuper !

Une demi-heure à poireauter pour rien et la frustration de ne pas pouvoir rencontrer quelqu’un pour comprendre ce qui se passe avec ce fichu dossier qui traîne depuis des mois. Alors vous insistez.

— Non, vous déposez votre dossier avec votre numéro identifiant et, si vous voulez un rendez-vous, il y a un téléphone là-bas. Vous composez le 3949 ; un conseiller répond en direct...

Conclusion : pour décrocher une entrevue au Pôle emploi, le chômeur doit donc se déplacer au centre auquel il est rattaché, y appeler le 3949 (la plate-forme téléphonique du Pôle emploi) et attendre d'y obtenir un rendez-vous qui le fera revenir au centre dans lequel il se trouve très précisément… centre qui, bien sûr, déborde d'une flopée de conseillers. Logique, non ?


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PS : vous êtes curieux de savoir comment s'est terminée mon affaire ? En fait, il y a eu 6 mois de bataille pour découvrir que le courrier était une erreur et que mes droits étaient finis depuis belle lurette.
Pôle emploi : 1 / Chômeur : 0.




samedi 31 janvier 2015

J' ♡ la pauvreté !

Oui, j'aime, j'adore, j'exalte, je kiffe la pauvreté ! Depuis que je suis « tombée dedans », comme Obélix dans le chaudron de potion magique, je découvre tous les jours un monde fantastique : il y a l'art de préparer des dossiers sans fin, de se fighter avec son assistante sociale, de trouver des plans pour ne pas dépenser, d'accommoder les pâtes du jour ou d'apprendre à jeûner, de répondre au flot des lettres recommandées, aux huissiers… et bien d'autres merveilles encore.

Sérieux ! C'est trop classe ! J'en suis à me demander pourquoi je ne le suis pas devenue plus tôt. C'est vrai ! Si à la question : « Qu'est-ce que tu veux faire plus tard ? », j'avais répondu « être pauvre », ça aurait eu du style, non ?

Vous ne voulez pas essayer ? Ah non ? Ce n'est pas votre truc ? … Allez, vous voulez la « vérité vraie » ? Eh bien, moi non plus !

Cet article sarcastique, je l'adresse à toutes les personnes qui, volontairement ou involontairement, après mûre réflexion ou tout de go, sortent des remarques qui jugent, déprécient ou puisent dans la très très très longue liste des idées reçues sur les plus démunis.

Je vous pose la question : qui sur cette planète souhaite connaître la pauvreté et son train d'embrouilles (pour être polie) ?

Il est profondément révoltant de s'entendre dire, clairement ou à mots couverts, que quelque part si on en est arrivé là, c'est qu'on l'a peut-être un peu cherché ! Par pitié, amis ou inconnus, ne restez pas en surface de vos ressentis ou des poncifs enracinés. Écoutez, regardez, questionnez, intéressez vous à la personne qui glisse vers la pauvreté (et il y a mille et une manière d'y tomber), mais ne la jugez pas !

Il y a les mots qui guérissent et les mots qui tuent. Soyez compatissants envers les pauvres, ne les stigmatisez pas aveuglément.

mercredi 7 janvier 2015

Se nourrir est-il un droit ?

Décembre étant consacré à la préparation des fêtes de fin d’année, à l’organisation des départs pour retrouver famille et/ou amis, ou à assurer, pour d’autres, le bouclage des bilans d’entreprise, il est généralement peu évident de décrocher un rendez-vous ce mois-là.

Arrivant au terme de l’aide alimentaire qui m’a été accordée, j’ai tenté durant notre fameux mois festif de joindre l’Action sociale, afin d’obtenir le renouvèlement de cet important sésame… Échec total ! J’appelle donc ce début janvier, avec encore bien des difficultés à joindre ma nouvelle assistante sociale. Mais la persévérance finissant toujours par payer (si je puis dire)…

— Cela fait un moment qu’on ne s’est pas vu. Comment allez-vous ? Des changements ?

Je raconte les dernières nouvelles du front : mon gros coup de lassitude, la réception d’une lettre du préfet de police, le nouvel appel très froid de ma propriétaire… Bref, que des choses palpitantes ! Puis je lui demande un rendez-vous.

— Ça va être très dur ce mois-ci ! Je suis en formation. Je ne peux rien vous proposer avant… (elle cherche) le 30 janvier !

— Et pour le renouvèlement de l’aide alimentaire ? Comment fait-on ?

— Ah oui… Ça va être difficile… (puis un grand blanc.)

Je lâche :

— Avec la précédente assistante sociale, on passait par le secrétariat pour (elle) déposer les documents et (moi) les signer. On peut (re)faire ça… non ?

— C’est-à-dire qu’il me faut vous rencontrer avant ! Je vais voir si je peux vous recevoir plus tôt. Je vous tiens au courant. En attendant, on garde la date du 30 janvier.

En raccrochant le téléphone, j’ai vu s’envoler mes paquets de pâtes, de riz, mes raviolis et mon pain premier prix pour le mois !

Savez-vous que l’alimentation est un droit humain fondamental ? Il est inscrit pour la première fois en 1948, à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Puis dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pidesc) en 1966, et réaffirmé dans le Plan d’action du sommet mondial de l’alimentation en 1996. Plusieurs autres documents, dont les rapports Ziegler, présentés au Conseil et à la Commission des droits de l’homme de l’Onu (2001 et 2008), rappellent que « le droit à l’alimentation » est « le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne. »

J’aurai beau expliquer cela à l’Action sociale autant de fois que je le veux, je me heurterai à la gestion du planning et à la disponibilité du personnel. C'est déprimant.

Aujourd’hui, toujours sans un sou, je vais donc partir en quête d’un Resto du cœur, afin de tenir… jusqu’au 30 janvier.

dimanche 4 janvier 2015

3 SDF morts de froid sur 425 en 2014 !

D'accord, le sujet est moins fun que les 32es de finale de la Coupe de France de football ou ce que nous réserve les astres pour 2015, mais je ne peux m'empêcher de partager l'article du Collectif Les morts de la rue, publié le 30 décembre 2014.

Je reprendrai la célèbre phrase de Francis Bacon qui dit : « Le savoir est un pouvoir ». Car le savoir, la connaissance, nous fait repousser les apparences et éclaire les esprits !

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Un "SDF" mort à Douai, un autre à Paris … d’après les médias c’est une hécatombe ! Il y a 3 jours d’autres mourraient sans que l’on en parle !

Depuis le début de l’année 2014, Le Collectif Les Morts de la Rue a recueilli des informations concernant des personnes décédées. Nous ne pouvons encore affirmer de chiffres précis, mais le nombre de décès appris en 2014 dépasse actuellement 425 et nous continuons à en apprendre au jour le jour. (la réalité est probablement de 7 fois plus)
Parmi ces personnes, nous déplorons 3 morts de froid, 15 suicides, la première cause de décès est bien la violence. Souvent accidentelle, parfois au cours d’agressions… 3 morts de froid sur 425 !
Jour après jour, toute l’année, nous apprenons des décès. Ces trois personnes décédées récemment avaient des prénoms, des amis, comme les 425 autres. L’un d’entre eux était en fauteuil roulant à la rue et recherchait en vain un lieu d’hébergement. Nous partageons la peine de leurs proches, le scandale de leur mort.

Mais pourquoi ce branlebas général des médias autour de ces décès par le froid et non toute l’année ?

• La mort de froid d’une personne « SDF » faisant l’évènement, attendu et guetté par les médias. Il arrive tard cette année. Il a failli ne pas exister en 2014… On ne pose pas la question des autres centaines de personnes mortes cette année à 49 ans en moyenne. Ni du fait que c’est vivre à la rue qui est un scandale qui n’a rien de saisonnier, ni par le chaud ni par le froid. Et vivre à la rue tue toute l’année.

• On entendra également : il y avait des places, il ne voulait pas y aller. Et du coup, sous-entendu : notre société fait tout ce qu’il faut, ce sont ces pauvres gens qui meurent par leur faute. On ne pose pas la question du manque criant de places qui a été dénoncé à plusieurs reprises cette année : le 115 a du mal à répondre au téléphone, et encore plus de mal à répondre à la demande d’hébergement. Il n’est pas relevé que les personnes en situation de rue sont découragées de ces demandes au quotidien sans réponses…

• Et après les fausses bonnes propositions : faut-il emmener de force ces pauvres gens vers des centres d’hébergement, pour les sauver d’eux-mêmes ? durant ces périodes de grand froid… et les remettre dehors dès que la température remonte de quelques degrés.

Ce n’est pas le climat qui tue. Ni l’été, ni l’hiver, ni le chaud, ni le froid. C’est vivre à la rue qui tue. Le nombre de personnes à la rue augmente. Les enquêtes démontrent le manque d’hébergement et de logement. Quand à la motivation des personnes, le rapport de la Fondation Abbé Pierre montre que même en travaillant des personnes se retrouvent à la rue.

Si le froid vous intéresse ainsi, réveille votre sensibilité, vous apitoie, alors sachez que votre soutien est nécessaire toute l’année et non quand la température est négative.
Et que le fait qu’il gèle fin décembre n’est en rien un évènement. C’est bien naturel sous nos climats.

Le collectif continuera de dénoncer la mort prématurée des personnes à la rue et demande à nos responsables d’assumer leurs responsabilités dans ce drame.

samedi 3 janvier 2015

« Vous voulez dire… »

Qui dans sa vie n'a pas constitué un dossier administratif et ne s'est pas entendu dire, par un ou une employé(e) plus ou moins sympathique, au moment du dépôt de celui-ci : « Il manque le papier untel ! » ?

Devant préparer en urgence une demande de RSA et ne souhaitant pas me coltiner un énième passage à la CAF, je décide ce jour-là d'être plus maligne que la bureaucratie. Consultation du site du Service public, coup de téléphone à un agent de la CAF, vérification auprès d'un ami ayant déjà passé l'épreuve de cette formalité… Grandes manœuvres pour petite guerre ? C'est vrai. Mais là au moins, je suis certaine d'avoir tous les éléments nécessaires en ma possession. Sourire jusqu'aux oreilles, je me rends d'un pas léger à la CAF, prête à en découdre avec la malédiction du papier défaillant.

C'est hélas bien mal connaître les ressources de l'administration française !

Près de 45 minutes d'attente, debout et dans la chaleur. Je suis venue à la mauvaise heure ; la file est interminable. En serpentant à petits pas dans le couloir délimité par des cordons noirs, je me console du temps perdu en me disant que l'affaire sera rapidement pliée. Deux femmes sont au guichet ; l'une est grande et à l'air plutôt avenante, l'autre est petite et le visage renfrogné. Allez, j'y crois, c'est mon jour de chance : je passerai à l'employée à l'allure sympa !

— Suivant, claironne une voix.

C'est mon tour. J'avance… et me retrouve nez à nez avec la petite renfrognée. Ne commence pas à juger pas ma fille, me dis-je, sous ses airs revêches, cette femme cache peut-être un cœur d'or ! Je lance souriante :

— Je viens remplir un dossier pour obtenir le RSA. J'ai tout les papiers nécessaires avec moi...

Lèvres pincées et petit ton sec, mon interlocutrice répond :

— Nous n'avons pas de dossier RSA !

— Vous n'avez plus de dossier RSA ?

— Nous n'avons PAS de dossier RSA !

— Je ne comprends pas… Mon assistante sociale m'a dit de passer à la CAF pour ça ?!

— Nous n'avons pas de dossier RSA, répète mécaniquement ma renfrognée, à qui je retire d'autorité le cœur d'or, tant son capital sympathie m'apparaît soudainement bien minable.

Elle se met à agrafer une série de papiers, pendant que je m'époumone en explications. Je ne me vois guère faire demi-tour bredouille.

— J'ai téléphoné pas plus tard qu'hier à vos services. Ils m'ont donné les heures d'ouverture et la liste des documents utiles pour préparer un dossier… !

À ce moment précis, la petite bonne femme plante ses yeux dans les miens et me sort :

— Vous voulez dire… un formulaire !

Surprise, je répète bêtement :

— Un formulaire ?

— Oui, nous avons un formulaire RSA, pas de dossier RSA.

Et elle dépose ledit document sur le guichet face à moi qui, brusquement, sent monter un coup de sang très inhabituel. « Qu'il s'appelle "formulaire" ou "dossier", il y a bien un document à retirer à la CAF pour le RSA… Et l'on doit employer le bon terme pour l'obtenir ?… C'est ça ? »  Et blablabla… et blablabla… Cette employée visiblement aigrie, exerçant son petit pouvoir d'une manière mesquine, me donne une irrésistible envie de pester, alors que je déteste me donner en spectacle ! M'interdisant en plus de remplir mon « formulaire » au bout du guichet vide, alors qu'il n'y a aucune table de prévue dans la salle, je commence à voir rouge, et en vient presqu'à comprendre les gens qui sautent par-dessus un guichet pour expliquer aux fonctionnaires leur manière de voir les choses.

Calmement, un agent de la sécurité m'indique un bureau vide :

— Là vous serez bien madame !

Ayant tous les éléments, je remplis comme prévu rapidement le document et vais le redéposer au guichet avec, cette fois, le sourire à l'envers. C'est l'employée plus aimable qui m'accueille.

— Voilà le « F-O-R-M-U-L-A-I-R-E », lui dis-je.

Elle vérifie page après page si tout y est. Et à la dernière page (c'est absolument authentique), la dame me dit :

— Vous avez le document untel ? Sans cela, on ne peux pas traiter
votre « dossier » !