À mon tour ! Dossier recopié, je passe au guichet. C'est l'agent aboyeur qui me reçoit. Sans un mot, il contrôle les pages du document.
— Où sont les pièces jointes ? lance-t-il.
Je sors les feuilles de ma chemise à élastiques.
— Il faut les photocopier. Vous avez une machine à votre disposition à l'entrée. C'est 20 centimes la photocopie.
Hélas, mon porte-monnaie est à plat. Je n'ai plus un sou depuis près de 3 mois… Cette situation fait suite à la mesquinerie de mon ex-employeur qui n'a rien trouvé de mieux que de ne pas me délivrer mon solde tout compte, et cela malgré l'obligation qu'il a de le faire et un prud'homme qui a abouti à un accord, évidemment non respecté. Sans attestation d'employeur, pas d'inscription au Pôle emploi. Sans solde tout compte et sans Pôle emploi, pas de revenus ! Une situation absurde qu'il faut gérer.
— Je n'ai pas d'argent pour payer les photocopies, dis-je à l'agent administratif.
— C'est 20 centimes ! répète-t-il comme pour me faire comprendre que ce n'est vraiment pas grand-chose. Et il précise : c'est une machine qui appartient à La Poste.
— Quand je dis que je n'ai pas d'argent, en fait je veux dire que je n'ai pas de revenus en ce moment…
Visage surpris de mon interlocuteur :
— Mais de quoi vivez-vous ?
— Actuellement, des aides financières alimentaires accordées par le service social…
Après un court silence, l'homme réplique :
— Ah, mais il me faut des photocopies. Votre dossier ne peut être enregistré sans cela…
— Très bien, lui dis-je, je reviendrais plus tard. Merci…
Je range mes papiers et m'apprête à tourner les talons, lorsque l'agent me retient :
— Attendez, vous avez peut-être, je dis bien peut-être, la possibilité de faire des photocopies gratuites. Pour ça, vous devez vous rendre à cette association (il me donne un imprimé avec le nom et l'adresse). Là-bas, il faudra leur faire remplir le Dalo (il me glisse un nouveau formulaire vierge par la trappe). Vous jouez celle qui ne comprend rien ; ils vous aideront à monter votre dossier et prendront peut-être en charge les photocopies.
Je récupère les coordonnées sans conviction. Suis-je vraiment réduite à jouer les idiotes juste pour quelques photocopies ? Alors que je suis toute à mes réflexions, je sens un étonnant changement de ton chez l'agent administratif, comme s'il s'autorisait à un peu de gentillesse :
— Comment en êtes-vous arrivé là ? me dit-il presque doucement.
Je lui raconte brièvement les déboires qui m'ont amené à être expulsée par ma propriétaire.
— Vous savez comment les choses vont se dérouler ? m'interroge-t-il.
Oui, Monsieur l'agent administratif, on me l'a déjà expliqué. Mais en journaliste que je suis, je pense que ces explications venues d'un autre service me donneront aussi un éclairage différent sur le sujet et, pourquoi pas, une nouvelle info… Mais, plus encore, je tiens à ne pas briser ce petit élan d'humanité.
— Non, je ne sais pas, lui dis-je alors.
Et voilà mon agent parti pour me détailler autant qu'il le peut l'avant et l'après du circuit de l'expulsion. Il me donne des conseils et même des documents qui me serviront par la suite. Une manière d'aider.
Ses explications terminées, je récupère ma paperasserie et me dirige vers la sortie. Aujourd'hui, mon Dalo est à l'eau ; il me faudra revenir.
— Bon courage, ajoute l'homme.
Oui, Monsieur l'agent administratif ! Et si vous gardiez un peu de cet accueil… pour tous ?
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